Le Tchad retrouve un stratège. Abdoulaye Sabre Fadoul, nommé ministre d’État, ministre des Affaires étrangères, de l’Intégration africaine et des Tchadiens de l’étranger, incarne le retour à une diplomatie structurée, après une période d’incertitudes et de tâtonnements. Son arrivée dans le gouvernement Allah Maye II, en qualité de deuxième dans l’ordre protocolaire, témoigne de la confiance que lui accorde le Président Mahamat Idriss Deby Itno pour redresser un ministère en perte d’influence.

Homme de dossiers, rigoureux et méthodique, Abdoulaye Sabre Fadoul a construit sa carrière sur une maîtrise approfondie des rouages de l’administration. Docteur en droit public de l’Université Paris-V, formé à Saint-Cyr et à l’École d’application de l’arme blindée et cavalerie de Saumur, il a occupé des postes de premier plan : conseiller juridique à la présidence, ministre de la Justice, des Télécommunications, secrétaire général du gouvernement, ministre des Finances et de la Santé. Chaque fonction exercée l’a forgé, lui donnant l’image d’un gestionnaire inflexible, réfractaire aux arrangements douteux et allergique à la complaisance.

Son départ abrupt en 2022, après une rupture avec l’entourage présidentiel, marquait un coup d’arrêt dans sa trajectoire. Pourtant, cet éloignement n’a pas été un effacement, mais une parenthèse stratégique. Observateur attentif de la scène politique, il a su affûter son regard critique, publiant des analyses pointues et consolidant son ancrage intellectuel.

Son retour aux affaires survient dans un contexte où la diplomatie tchadienne traverse une zone de turbulence. La guerre au Soudan, l’instabilité en République démocratique du Congo, les tensions avec la France et la perspective d’un éventuel retour de Donald Trump à la Maison-Blanche imposent une refonte profonde des priorités diplomatiques du Tchad. Le défi est immense : réaffirmer le leadership du pays sur la scène africaine, restaurer la discipline au sein du ministère et repositionner le Tchad dans le jeu des puissances mondiales.

Mais l’homme a-t-il tiré les leçons du passé ? Sa capacité à conjuguer fermeté et habileté diplomatique, à allier rigueur et souplesse, sera déterminante. Si son parcours témoigne de son aptitude à affronter l’adversité, c’est sur le terrain qu’il devra prouver que son retour marque la fin de l’improvisation diplomatique et le début d’une ère de pragmatisme stratégique. Le Tchad attend de lui qu’il remette la machine diplomatique en ordre de marche. Reste à savoir s’il saura, cette fois, inscrire son action dans la durée.