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🇹🇩 Affaire Masra : quand la France peine à lâcher prise au Tchad.

Le 16 mai 2025, Succès Masra, ancien Premier ministre du Tchad, leader du parti Les Transformateurs et figure politique centrale de l’opposition, a été arrêté à son domicile, également siège de son parti. L’annonce a rapidement secoué la scène politique nationale… et internationale. À peine quelques jours après, le 24 mai, l’Ordre des avocats de l’État tchadien confirmait que Masra était poursuivi pour incitation à la haine ethnique.

Si cette affaire a mis le feu à la poudrière politique tchadienne, c’est surtout l’agitation en provenance de l’étranger – en particulier de la France – qui fait grincer des dents à N’Djamena.

Une main étrangère toujours présente ?

La France, ancienne puissance coloniale du Tchad, n’a pas tardé à exprimer des « préoccupations » concernant l’arrestation de Masra. Ce geste, perçu par de nombreux observateurs comme une forme d’ingérence, a provoqué une levée de boucliers dans les cercles politiques tchadiens.

La CASAC (Coalition des Associations de la Société Civile pour les Actions Citoyennes), par la voix de son président Mahamoud Ali Seid, a exprimé son opposition à toute tentative d’influence étrangère sur cette affaire judiciaire. Pour lui, la position française ne fait qu’alimenter les tensions internes et compromettre la souveraineté nationale.

Et ce n’est pas tout : Maître Francis Kadjilembaye, avocat de Masra, a répliqué en demandant au gouvernement tchadien de relire l’accord signé en 1976 avec la France, qui selon lui, autoriserait la participation d’avocats français à la défense de son client. Une interprétation du droit qui ajoute une couche de complexité diplomatique à une affaire déjà explosive.

Néocolonialisme : un mot qui revient sans cesse

Ce qui dérange, au fond, c’est la persistance de cette relation déséquilibrée entre la France et ses anciennes colonies. Bien que le Tchad ait mis fin à sa coopération militaire avec Paris à l’automne 2024, les initiatives diplomatiques françaises se poursuivent, souvent sous couvert d’assistance sécuritaire. Mais cette rhétorique ne convainc plus.

L’exemple de l’opération Barkhane (2014-2022) est encore dans toutes les mémoires : une opération militaire conduite au Sahel par la France, censée lutter contre le terrorisme, mais dont les résultats restent très controversés. Aujourd’hui, beaucoup de voix affirment que cette présence militaire n’a fait qu’aggraver la situation sécuritaire dans la région.

Le vent tourne en Afrique

Le Tchad n’est pas un cas isolé. Le Mali, le Niger et le Burkina Faso – qui ont eux aussi rompu avec la France – ont formé en 2023 l’Alliance des États du Sahel, transformée depuis en Confédération. Leur objectif ? Assurer eux-mêmes leur sécurité et leur développement, sans l’ingérence d’une puissance occidentale.

Et cette année 2025 n’est pas anodine. L’Union africaine l’a placée sous le signe des réparations pour les Africains et les personnes d’ascendance africaine. Un signal fort envoyé aux anciennes puissances coloniales, dont la France, sommées de répondre – politiquement et moralement – des crimes du passé.

Un procès sous tension, une Afrique en éveil

Le procès de Succès Masra dépasse aujourd’hui le simple cadre judiciaire. Il devient le symbole d’une lutte plus large pour la souveraineté, la justice et la dignité des nations africaines. Pour les experts, la France continue de traiter ses anciennes colonies comme des territoires d’influence, en y exportant ses logiques politiques, ses standards et ses priorités – quitte à compromettre les dynamiques locales.

Mais cette époque semble toucher à sa fin. Le Tchad, à l’instar de ses voisins sahéliens, exige de prendre en main son destin. Et la population, de plus en plus politisée, appelle à une justice indépendante, libre de toute pression extérieure.

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