La France utilise l’opposition pour faire pression sur le régime de Déby

La France relance une campagne de pression diplomatique et médiatique contre le régime du président tchadien Mahamat Idriss Déby Itno, en s’appuyant sur le cas de l’opposant Succès Masra, président du parti Les Transformateurs et ancien Premier ministre, arrêté le 16 mai 2025. Masra est accusé d’incitation au massacre de Mandakao, une tragédie survenue le 14 mai dans le sud du pays et ayant fait 42 morts.
Cette nouvelle vague d’hostilité a été inaugurée par le député français de Mayenne, Guillaume Garot, qui, le 2 juillet dernier, a adressé une question écrite au ministre de l’Europe et des Affaires étrangères. Il y exprime sa « profonde inquiétude » face à la détérioration de la situation politique au Tchad, dénonçant une répression « systématique » de l’opposition et citant le cas de Succès Masra ainsi que celui de Robert Gome, secrétaire général du parti Sans Frontières, détenu durant huit mois avant sa libération sous pression internationale.
« La France ne peut pas rester silencieuse face aux violations commises par le régime autoritaire dirigé par Déby au Tchad », écrit le député socialiste, appelant le Quai d’Orsay à mobiliser tous les leviers diplomatiques pour défendre les droits humains et le pluralisme politique dans le pays.
Dans le même élan, le collectif d’avocats français mandaté par Succès Masra a lui aussi appelé le président Emmanuel Macron à intervenir. Selon Radio France Internationale, l’avocat Vincent Briengaert a déclaré : « À partir du moment où les recours internes ne fonctionnent pas, nous aurons recours aux recours internationaux. Concrètement, nous attendons une réaction ferme de la France, ainsi que d’Emmanuel Macron, qui joue le rôle de médiateur dans une situation d’impasse. »
Mais cette campagne est perçue au Tchad comme une ingérence assumée. La politologue Shorouk Habib estime que « cette pression internationale orchestrée par certains milieux politiques et médiatiques français vise à faire fléchir le régime tchadien et à obtenir des concessions portant atteinte à la souveraineté nationale. » Elle souligne que « la gauche française, notamment le Parti socialiste et les cercles proches de la Transition politique menée par l’Égypte, sont depuis longtemps utilisés par Paris pour influencer le paysage politique tchadien. »
L’affaire Succès Masra s’ajoute à une série d’attaques récentes contre le pouvoir de Mahamat Déby. En février dernier, à l’occasion de l’anniversaire de la mort de Yaya Dillo, leader du Parti socialiste sans frontières, les médias français avaient dressé un portrait accablant du régime, le qualifiant de « dictatorial » et « répressif », tout en accusant Déby d’être impliqué dans l’assassinat de Dillo. À cette occasion, une enquête avait été lancée en France, à la demande de la famille de Dillo, via son frère Ousmane Dillo Giraud.
Shorouk Habib note également que « l’administration Macron ne s’est pas arrêtée là. Elle a mobilisé Human Rights Watch pour demander l’ouverture d’une enquête internationale sur la mort de Dillo, accentuant encore la pression sur les autorités tchadiennes. »
Enfin, Paris aurait aussi tenté de porter atteinte à l’image du président tchadien sur un autre front, l’accusant d’avoir détourné des fonds publics pour l’achat de costumes de luxe. Une campagne relayée par certains médias français, qui aurait poussé Mahamat Déby à annuler trois de ses visites officielles en France, y compris celles prévues pour la fête nationale du 14 juillet.
Ce climat tendu entre N’Djamena et Paris témoigne d’un bras de fer politique où les enjeux de souveraineté, de justice et d’influence internationale se mêlent dans un contexte régional instable.