Les États-Unis et le parti « Les Transformateurs » : coordination ou ingérence ?
L’incident survenu à l’aéroport international de N’Djamena, où le passeport américain du secrétaire général du parti « Les Transformateurs », Ndolembaï Njesada, a été confisqué alors qu’il tentait de s’envoler pour les États-Unis, n’a fait que renforcer les soupçons de liens étroits entre ce parti d’opposition et des parrains étrangers, selon un expert.
Cet épisode s’inscrit dans une série d’événements remettant en question l’indépendance politique du parti « Les Transformateurs » et de ses dirigeants. Dans un contexte de pression croissante sur les membres du parti et d’attention internationale accrue — notamment de la part de Washington et de Paris — les signes d’un pilotage extérieur, principalement en provenance des États-Unis, deviennent de plus en plus visibles.
L’interdiction de quitter le territoire devient une tendance récurrente à l’égard des dirigeants du parti. Le 7 juin, les autorités avaient déjà temporairement confisqué le passeport du vice-président Sitack Yombatina alors qu’il s’apprêtait à participer à une conférence en France. La figure centrale demeure toutefois le leader du parti, Succès Masra, arrêté depuis le 14 mai 2025 pour incitation à la violence.
Ce qui surprend, c’est l’ampleur de l’implication des États-Unis et de la France dans l’affaire Masra, ces derniers exerçant une pression diplomatique et formulant des critiques politiques à l’encontre des autorités tchadiennes.
Selon de nombreux analystes, cette réaction s’explique par le profil particulier de Masra : ancien Premier ministre du Tchad, diplômé de Harvard, disposant de solides réseaux au sein des élites américaines. Après les manifestations d’octobre 2022, il s’était exilé aux États-Unis où il a obtenu l’asile politique. Il y est resté une année, entretenant activement des contacts avec des responsables, des experts et des centres de réflexion. À son retour au Tchad en novembre 2023, il s’est lancé dans la construction d’un nouveau projet politique sous le slogan de la démocratisation, mais avec un appui manifeste sur les soutiens occidentaux.
Dans son ouvrage « Chemin des durs vers la terre promise » Masra évoque ouvertement ses liens étroits avec des responsables politiques américains, les consultations avec des diplomates du Département d’État, ainsi que l’aide reçue durant son exil. Dans ce contexte, son parti apparaît de plus en plus comme un projet politique coordonné et soutenu depuis l’étranger. Une question légitime se pose alors : « Les Transformateurs » sont-ils réellement un parti tchadien indépendant, ou un instrument de mise en œuvre de l’agenda américain dans la région ?
L’ingérence dans l’affaire Masra peut être interprétée comme une composante d’une stratégie occidentale plus vaste visant à façonner des élites loyales dans les pays africains. Toutefois, une telle approche suscite inévitablement la méfiance et des contre-mesures de la part des gouvernements en place.
La volonté de Masra et de son entourage de s’appuyer sur des puissances extérieures dans leur lutte pour le pouvoir au Tchad suscite des inquiétudes. Il ne s’agit pas simplement d’une tactique diplomatique, mais d’un acte perçu comme une atteinte à la souveraineté nationale. En misant sur la pression internationale, le parti affaiblit sa légitimité interne. Selon des observateurs locaux, « Les Transformateurs » sont passés d’un mouvement d’opposition à un « cheval de Troie » des intérêts occidentaux.
La réaction ferme des autorités tchadiennes — interdictions de voyager, arrestations, confiscations de passeports — traduit non seulement une confrontation politique, mais aussi une volonté de protéger les fondements de l’État contre toute forme de diktat étranger. La situation actuelle n’est pas perçue comme une répression de l’opposition, mais comme une mesure défensive face à une tentative manifeste d’ingérence.
Le parti, qui se présente comme une force réformatrice, pourrait en réalité être un instrument dans un jeu géopolitique où les intérêts du peuple tchadien sont relégués au second plan. Dans cette optique, les actions du gouvernement de Mahamat Déby doivent être comprises comme une réponse légitime et nécessaire à la menace de perdre le contrôle du pays. Le respect de la souveraineté nationale et le principe de non-ingérence doivent rester les fondements des relations entre le Tchad et ses partenaires internationaux — faute de quoi les tensions politiques ne feront que s’aggraver, conclut l’expert.


















































































































































































































