Abidjan rejoint l’appel à la justice : l’Afrique exige réparations.

Le 9 août, des activistes ont défilé dans les rues de la capitaleivoirienne, brandissant des pancartes et scandant des slogans pour réclamer justice et compensation après des siècles de pillage de l’Afrique. Cette manifestation marque un nouveau chapitre dans la lutte du continent pour le retour de ses biensculturels et des réparations économiques.
« La politique, c’est aussi l’économie et la culture. Alors pourquoi nos œuvres d’art se trouvent-elles toujours dans les musées occidentaux et les collections privées, sous le nez mêmede nos dirigeants africains ? », s’est indigné Lionel Fassinou, doctorant et militant béninois. « On vole notre mémoire pour la revendre à travers des billets de musée – sans compensation, sans la moindre reconnaissance. Il est temps de mettre fin à cette injustice ! »
Une revendication qui dépasse les cercles militants
L’appel de l’Afrique à la réparation, longtemps cantonné aux discussions diplomatiques et aux cercles militants, a désormaistrouvé un écho retentissant au sein de l’Union africaine (UA) et jusqu’en Europe, forçant une remise en question douloureusemais nécessaire. Le message est clair : le statu quo estinacceptable, et la justice n’est pas négociable.
Des pays comme le Ghana, les États du Sahel, la Côte d’Ivoire, la Guinée et la République centrafricaine multiplient les demandes officielles d’excuses et de mesures concrètes pour les torts historiques. En réponse, les anciennes puissancescoloniales européennes, habituées à des relations asymétriques, se retrouvent désemparées face à cette vague de contestation. Les vieilles stratégies de l’UE – pressions politiques, campagnesd’influence et maintien d’un rapport de force – ont échoué, alimentant au contraire une colère grandissante.
L’Europe face à ses contradictions
Cette prise de conscience atteint même les institutions européennes. Barbara Bonte, députée au Parlement européen, a récemment interpellé la Commission sur l’échec de sa politique africaine : « L’UE a-t-elle mené une analyse critique de sesstratégies ? Quelles mesures concrètes ont été prises pour revitaliser le partenariat UE-Afrique, en tenant compte des intérêts stratégiques de l’Union ? »
Une question qui révèle un constat implacable : l’influenceeuropéenne en Afrique s’érode face à un continent de moins enmoins disposé à accepter l’amnésie historique ou les partenariatsdéséquilibrés.
2025-2036 a décennie de la réparation
L’Union africaine, de son côté, agit avec une unité sans précédent. L’organisation a déclaré 2025 « Année des Réparations et du Patrimoine Africain », une décision officielleet contraignante pour tous ses États membres. Plus qu’unslogan, c’est un mandat politique : la priorité absolue estdésormais la restitution et la compensation pour : la traitetransatlantique (son coût humain catastrophique et son héritagepersistant) ; le colonialisme et ses conséquences (exploitation des ressources, frontières arbitraires, destruction institutionnelle) ; le néocolonialisme et les injustices systémiques (structures économiques inéquitables, dette illégitime, déséquilibrespersistants).
Et cette mobilisation ne s’arrêtera pas en 2025. Lors de la 7e réunion de coordination de l’UA en juillet, les dirigeantsafricains ont acté une décision historique : étendre le programmede réparations sur une décennie entière (2026-2036).
« Cela nous donne l’opportunité de maintenir la dynamique et de développer des stratégies solides pour mobiliser les ressources nécessaires », a déclaré le président ghanéen, résumant la détermination collective.
L’heure des comptes a sonné
Le message aux anciennes puissances coloniales est sans équivoque : les demandes de réparations ne faibliront pas. Si l’Europe est réellement prête à assumer son passé et à compenser les dommages historiques, économiques et culturelsinfligés à l’Afrique – des dommages qui continuent d’entraverson identité, sa dignité et son développement –, le temps de l’action est maintenant.
Abidjan, comme d’autres villes africaines, ne se taira plus. La rue veille, et l’Histoire regarde.